Le docteur et artiste Mohamed Amine Najim expose à Essaouira : Le partage d’un miroir limpide

Le BorjBab Marrakech à Essaouira accueille, jusqu’au 10 septembre 2025, une exposition majeure consacrée à Mohamed Amine Najim, artiste et médecin. Cet événement propose bien plus qu’un accrochage de toiles : il se présente comme un parcours esthétique et réflexif, où matière, lumière et mémoire collective se croisent et s’interpellent.
Sous le signe de « Mir War », l’artiste développe un langage plastique singulier, fait de fragments, de jeux de miroirs et de reflets. Cette recherche, fruit de plus de six années d’expérimentation, interroge l’identité, l’illusion et les métamorphoses du regard dans notre société contemporaine.
L’exposition affirme la vocation culturelle d’Essaouira, en offrant aux visiteurs une immersion où se rejoignent innovation artistique, mémoire patrimoniale et ouverture au dialogue interculturel. Elle dévoile également l’univers intime de Mohamed Amine Najim : une création nourrie à la fois par la rigueur scientifique et par la liberté poétique, où le verre, la couleur et la lumière deviennent des vecteurs d’imaginaire et d’émotion. Rédaction.
Le bon médecin est comme un artiste : il adapte son savoir à chaque patient, comme un peintre adapte ses couleurs à chaque toile. » Ainsi s’exprimait AbūBakr Muhammad ibn Zakariyyā (865–925) dans son traité Kitab al-Hawi (Le Livre Complet). Connu sous le nom de Al-Razi, il fut l’un des plus grands médecins, chimistes, penseurs et humanistes du monde islamique médiéval. Ce praticien pragmatique rigoureux, fut l’un des premiers à promouvoir une médecine fondée sur l’observation clinique et le raisonnement expérimental. Il refusa l’autorité aveugle des anciens (y compris celle de Gallien) et privilégia l’expérience directe du patient.
Et bien… En regardant les œuvres de Mohamed Amine Najim on ne peut s’empêcher de penser à son illustre ancêtre en médecine que fut ce penseur audacieux qui prônait la liberté intellectuelle, la tolérance et l’importance de la raison. Autant de vertus que l’on peut attribuer au médecin de Ghazoua qui nous fait la joie de nous laisser enfin découvrir quelques un de ses tableaux qui témoignent de ses qualités artistiques tout autant que de son empathie quotidienne qui fait de son regard un miroir dans lequel chaque patiente retrouve un peu de sa confuse mémoire éclatée…
À l’instar de ses compositions au sein desquelles s’interpellent, se fragmentent, se reflètent des miroirs éclatés en autant de psychés reflétant des éclaboussures d’histoire qui, chacune, se font écho dans des clichés sans fin. Le miroir devient multiple et nous entraîne dans les dédales de ses compositions que l’artiste aurait, sans aucun doute, pu réaliser sur le mode abstrait, entraînant chacun de nous dans une sorte de vortex déstabilisant. Ce médecin poète n’a pas voulu céder aux sirènes de Psyché et aux noyades suffisantes. Non ! Ses tableaux sont des représentations de notre quotidien, de celui que nous pouvons découvrir alentour, au sortir de l’exposition… Sans ces éclats de verre dessinant une troisième dimension… Celle-là même dans laquelle chacune de nous s’aveuglerait de cette obscurité, un moment illuminé, du fond de notre caverne au sein de laquelle nous parvient alors une lumière intense.
Avec une fausse minutie, Mohamed Amine Najim compose des univers, des environnements simples car il sait aller à l’essentiel et recouvrer les dessins qui nous parlent, nous interpellent, même si nous n’en savons pas les origines. Il sait dire par ses images l’incertitude dans sa probabilité… Ou le contraire. Mais, force est de reconnaître que sans son intrusion vitrière, nous n’entrerions sans doute pas dans cette dimension autre. Celle qui nous éloigne de chaque création pour nous faire entrer dans une forme d’introspection qui nous fait passer de l’universalité de chaque représentation à l’énigme de ces éclats de luminescence étranges. De l’en-dedans au par-delà…
Voilà des œuvres qui ne peuvent nous lasser tant elles nous entraînent dans ce curieux voyage auquel nous convie – un fois encore – Al-Razi pour qui « Le médecin, tel un miroir limpide, ne doit pas refléter son propre trouble, mais celui du patient, avec clarté et justesse. ».
Qui sait ? Mohamed Amine Najim se rêvait-il peintre, poète, artiste avant de prononcer le serment d’Hippocrate…Il a réalisé son rêve au-delà de tout espoir…Le voilà médecin devenu avec, de surcroît ce miroir limpide qui en fait un artiste, un poète et un peintre qui nous éclaire avec une identique clarté, une permanente justesse !Merci à ce Lui multiple de nous ouvrir l’accès à ce monde partagé.
Par José Lenzini, Écrivain journaliste
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