Ce que «vivre» veut dire à Bouiblane

Par Mohamed Younes

Mon patelin résiste encore. Il a combattu la machine infernale du colonialisme et mène toujours le combat contre l’artificialisation de ses terres. De Zroudane à Bouiblane, en passant par Bab Louta ou Aharmammou, les femmes et les hommes de la région résistent encore à l’emballement technologique de la politique de notre temps, celle du capital et de la technocratie.

 Constamment connectés à la nature, ils œuvrent afin de préserver un sol fertile sans produits chimiques nocifs et une cuisine au feu de bois pour se nourrir. C’est le mode de vie pour se régénérer physiquement et psychiquement afin de mener une vie saine et épanouissante.

Ils tirent profit de la richesse des couleurs, (fleurs, papillons, arbres, pierres, rivières) dans la nature au moment où l’être à qui on fait croire qu’il est dans la modernité ne «vit» des instants pareils que s’il a les moyens pour avoir une chambre avec vue sur des arbres dans une clinique quand il est agonisant. Car dans la ville, le désir de la nature est sous contrôle et les fameux espaces verts ne servent qu’à des arguments de séduction lors des campagnes électorales.

Dans mon patelin, il y a l’indépendance du vert qui assure un contact visuel avec la nature, baignée de lumière, avec tous ses innombrables effets bénéfiques. Voilà pourquoi dans mon patelin, l’Homme mène deux vies consécutives. La première, allant du berceau jusqu’à la cinquantaine, est principalement consacrée à la perpétuité de l’espèce avec tout ce que la mission demande en termes de responsabilités et de sacrifices, alors que la seconde qui s’étend sagement jusqu’à un siècle est dédiée aux loisirs, aux plaisirs, à la contemplation et à la réflexion. Bref, dans mon patelin, les hommes et les femmes savent vivre et savent mourir.

Ils ont compris depuis longtemps que l’emprise tyrannique du technototalitarisme est fatale. Et ils savent pertinemment que la technologie ne sera jamais un processus sans sujet, sans manipulateur. On le voit d’ailleurs dans les circuits dématérialisés dans plusieurs domaines où la formule relègue les masses d’en bas plus loin encore de leurs maitres (manipulateurs), désormais virtuels, plus que jamais intouchables, voire pratiquement inconnus. Ce qu’on nomme le «système». Et combien de fois, on vous a donné cette réponse : «le système en panne, ne marche pas, pas de connexion», même si vous étiez au guichet pour payer une facture.