Les cryptomonnaies au menu du Congrès américain, un tournant pour l’industrie

La Chambre des représentants devrait se prononcer cette semaine sur plusieurs textes de régulation des cryptomonnaies, prolongement de l’impulsion donnée par Donald Trump, vue comme une bénédiction par le secteur.

Après des années de tergiversations et une série de propositions de lois restées lettre morte, le Congrès met les bouchées double sur ce dossier avant les vacances parlementaires, le 24 juillet. Il s’inscrit ainsi dans le sillage de Donald Trump, devenu le chantre des devises numériques depuis sa dernière campagne présidentielle, après les avoir conspuées durant des années.

Euphoriques à l’orée de cette semaine historique au Congrès, baptisée « crypto week », les investisseurs ont porté lundi le bitcoin au-delà du seuil symbolique des 120.000 dollars, un nouveau record. Parmi les trois textes examinés, le GENIUS Act instaure un cadre législatif pour les stablecoins, des cryptomonnaies adossées à une devise classique.

Ces monnaies numériques sont considérées comme les plus sûres et les moins volatiles car leur parité avec une devise traditionnelle est théoriquement assurée. Elles sont aussi celles qui présentent, de l’avis général, le meilleur potentiel d’utilité pour le grand public, bien au-delà de l’investissement spéculatif offert par le bitcoin.

Le GENIUS Act, adopté au Sénat mi-juin, oblige les émetteurs de stablecoins à conserver des réserves au moins équivalentes à la valeur totale en circulation, sous forme d’actifs rapidement mobilisables comme des dépôts bancaires ou des bons du Trésor. L’adoption du texte est « vitale » pour une plus large diffusion des stablecoins, estime Gerald Gallagher, responsable juridique de la start-up Sei Labs, une plateforme dédiée à la blockchain, technologie sur laquelle reposent les cryptomonnaies.

« De nombreuses institutions financières sont déjà impatientes de pouvoir s’implanter sur ce marché et attendent pour cela que cette loi soit votée », a-t-il ajouté. Plusieurs banques travaillent ainsi déjà à leur stablecoin, de même que des acteurs du commerce en ligne comme Amazon et Walmart, tandis que Meta, Uber ou Airbnb envisagent de les adopter.

De nombreux élus du Congrès, tout comme Donald Trump, y voient un vecteur de renforcement du dollar, grâce à la diffusion mondiale de stablecoins adossés au billet vert. Autre législation phare, le CLARITY Act, qui fait de l’Autorité de contrôle des produits financiers dits dérivés, la CFTC, le régulateur principal des cryptomonnaies aux Etats-Unis.

Elément central, les devises numériques ne sont plus considérées comme des titres financiers, mais comme des actifs dématérialisés. Ce changement les met, pour l’essentiel, à l’abri des contraintes imposées, par exemple, aux émetteurs d’actions et d’obligations.

« Le CLARITY Act va plus loin que les stablecoins et met en place une structure de marché qui va permettre aux Etats-Unis d’être compétitifs », considère Sylvia Favretto, responsable juridique de Mysten Labs, une autre start-up travaillant sur la blockchain. Plusieurs élus démocrates ont émis des réserves sur le texte, jugé insuffisamment protecteur pour les investisseurs dans un milieu où fraudes, escroqueries et blanchiment ne sont pas rares.

Gerald Gallagher rétorque que les deux lois « apportent aux investisseurs une forme de sécurité et de visibilité qui n’existaient pas jusqu’ici ».

Des démocrates de la Chambre des représentants regrettent également qu’aucune des propositions de loi ne contienne de dispositions pour prévenir les conflits d’intérêt. Ils visent notamment Donald Trump, qui s’est associé, depuis un an, à plusieurs projets relatifs aux cryptomonnaies, dont il a déjà tiré plusieurs centaines de millions de dollars de revenus.

Il a créé sa propre devise numérique, le $TRUMP, et une société associée à la famille Trump, World Liberty Financial, a commercialisé son propre stablecoin, l’USD1. « Il est dommage que les opposants aux cryptomonnaies fassent de l’implication de la famille du président (dans le secteur) un problème pour toute l’industrie », a commenté Gerald Gallagher.

La Chambre pourrait aussi soumettre au vote un troisième texte, qui retranscrirait dans la loi un décret pris fin janvier par Donald Trump interdisant au gouvernement de créer sa propre cryptomonnaie. Plusieurs observateurs, dont le cabinet Juniper Research, ont interprété cette directive comme un geste de plus pour favoriser l’initiative privée dans l’univers des cryptomonnaies, Donald Trump voulant faire des Etats-Unis la « capitale mondiale des cryptos ».

Source: AFP