La plaidoirie d’une avocate… née pour être avocate

Le président de la cour déclara l’audience ouverte et donna la parole à Me «l’avocate». «Maitre «l’avocate», vous avez la parole», annonça-t-il.
«L’avocate» se lève courtoisement, réajuste le rabat de sa toge noire et entame élégamment sa plaidoirie: «Monsieur le Président, Messieurs les juges… », disait-elle, le regard fixant la cour, avant d’aller au fond de l’affaire. Elle sait qu’elle plaide pour convaincre et non pas pour briller. A ce propos, elle plaidait exactement comme elle est. On dirait qu’elle est née avocate. Sa mission consiste à collaborer à la vérité.
Le ton de sa voix et la rigueur de son regard forçaient le respect de ses adversaires et rassuraient ses clients dans le box des accusés. La souplesse de ses mouvements se conjuguait à cette éloquence qu’elle mettait avec soin au service de l’argumentation pour tenir sous le charme et persuader le président de la cour et ses assesseurs.
Sans trahir le style et l’esprit des textes, elle s’emparait du lexique juridique et des tournures procédurières qu’elle mettait à profit pour accéder à des sens multiples afin de donner un pouvoir de séduction aux mots employés.
Des mots lancés dans un élan dégageaient ainsi un parfum qui enivrait et qui ressuscitait de façon soudaine des connotations qu’elle visait afin de servir sa thèse et détruire l’hypothèse de ses adversaires. Bref, des mots qui peuvent faire basculer le cours du procès.
On perçoit sa passion à la barre avec une physionomie expressive, ignorant les tapages de l’opinion publique sur l’affaire qu’elle défendait, en troquant le genre judiciaire contre le genre délibératif.
Sachant bien les effets de manches, elle retroussa de temps en temps la manche de sa prestigieuse toge noire, modula le débit de sa voix et au besoin puisa dans le registre émotionnel pour manifester ou exprimer une colère en tapant du poing sur la table. Ainsi, elle gérait sa plaidoirie pour annoncer de nouveaux rebondissements, tout en alimentant le suspense avant le dénouement.
A la fin de l’audience, Maitre «l’avocate» était convoitée par des justiciables qui cherchaient une solution adaptée à leur situation, des représentants des médias qui guettaient une déclaration dans le feu de l’actualité et d’autres qui étaient charmés par la plaidoirie et l’élégance de la dame.
La foule était nombreuse, ce qui a créé une longue file d’attente. Il a fallu l’intervention d’un agent de police sur les lieux pour mettre de l’ordre sur place, en demandant aux uns et aux autres de faire la queue.
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Extrait de mon livre, «Le mot, la plume et la plaie», paru en février 2022. Editions «Rayan Printing», (Edition et distribution) à Casablanca.
B.A
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