La recherche-action en question

Par Mme Hind Tak Tak, enseignante chercheure (UH2C-FSJESAC)

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La recherche-action, en droit comme dans d’autres domaines, est une démarche qui combine recherche et action pour améliorer une situation concrète. Elle implique une collaboration étroite entre chercheurs et praticiens, afin de comprendre un problème, d’élaborer des solutions et de les mettre en œuvre, tout en évaluant les résultats et en ajustant les actions si nécessaire. 

Le chercheur rencontre le praticien afin de l’écouter activement et apprécier ses propos qui portent essentiellement sur les actions menées. Pour le chercheur, son travail consiste à noter les problèmes soulevés et à les traduire en concept juridique trouvant ses références dans un cadre juridique spécifique.

C’est dans ce sens que le laboratoire Droit, Société et systèmes comparés, de l’université Hassan II -FSJESAC a organisé, en partenariat avec l’entraide Nationale dans le cadre de la première campagne nationale de sensibilisation à l’handicap au Maroc du 21 mai au 21 juin sous le slogan« Changeons notre regard… C’est maintenant ! », une table ronde entre les représentants de l’entraide nationale, la société civile et  les doctorants dudit laboratoire afin d’appliquer la méthode de la recherche action dans le domaine de l’handicap. Cet événement s’est inscrit dans une approche fondée sur les droits humains, affirmant la pleine citoyenneté des personnes en situation de handicap dans une société inclusive et solidaire.

Les praticiens ont rappelé les motivations principales de la campagne nationale qui repose sur des fondements juridiques nationaux, notamment la constitution marocaine de 2012 et internationaux.  Le programme gouvernemental 2021–2026, qui accorde une priorité stratégique à la question du handicap. Des objectifs principaux ont été évoqués lors de la rencontre à savoir lutter contre les stéréotypes et les discriminations ; valoriser les contributions sociales, économiques et culturelles des personnes en situation de handicap ; renforcer  les principes d’égalité, de justice sociale et créer un environnement inclusif et respectueux de la dignité ; adopter une approche fondée sur les droits, et non sur la charité ou l’assistanat.

Lors de la rencontre, l’accent a été mis sur  les mesures phares du programme gouvernemental 2021–2026. Il s’agit de la réforme des allocations familiales pour inclure les familles ayant un enfant en situation de handicap ; la mise en place d’infrastructures accessibles dans les espaces publics ;  le soutien aux moyens de transport adaptés ; le développement de technologies numériques pour favoriser l’inclusion  et l’appui aux associations œuvrant dans le domaine du handicap.

Suite à cette présentation et le témoignage des praticiens sur les actions menées par l’entraide nationale, des pistes de recherche ont jailli.

La prise de conscience du handicap à travers le digital : cette thématique vise à analyser comment la digitalisation contribue à la sensibilisation et à la visibilité des personnes en situation de handicap, en montrant le rôle des outils numériques dans le processus de conscientisation sociale. De plus, le digital peut jouer un rôle important dans  l’amélioration de la vie quotidienne des personnes handicapées Il s’agirait d’étudier les technologies digitales qui facilitent l’autonomie, l’accès aux services et l’inclusion sociale des personnes handicapées…

Le deuxième sujet qui se dégage de la rencontre est en relation avec les métiers adaptés à certaines personnes en situation de handicap. Cette recherche porterait sur l’émergence des formes d’emploi flexibles et métiers digitaux,  susceptibles de réduire les contraintes liées à la mobilité et d’ouvrir de nouvelles perspectives professionnelles aux personnes handicapées.

Un troisième point a été développé à savoir les aides fiscales aux personnes handicapées. Une étude sur les possibilités d’exonération pour une justice fiscale permet d’examiner les dispositifs fiscaux existants, leur portée réelle et les conditions d’éligibilité, avec un focus sur la justice fiscale et l’équité pour voir les possibilités d’exonération des personnes handicapées notamment dans le cadre de leurs activités génératrices de revenus (AGR). L’objectif est d’examiner comment ces exonérations pourraient être mises en œuvre afin d’instaurer une justice fiscale, tenant compte des contraintes spécifiques que ces personnes  supportent (frais de santé, du matériels…etc.). Un quatrième sujet s’est imposé est le para sport et  sa place dans l’écosystème sportif national. 

Cette recherche peut porter  sur la conceptualisation et la valorisation du sport des personnes en situation de handicap, sa reconnaissance institutionnelle et sociale, ainsi que les stratégies pour renforcer la participation et l’inclusion des sportifs handicapés.

Un autre sujet a été développé est celui de la représentation légale des personnes en situation de handicap qui soulève énormément de problèmes relatifs aux procédures judiciaires encadrant la capacité et la représentation légale des personnes en situation de handicap (paralysie, incapacités diverses), en  clarifiant les critères d’application et les possibilités offertes par la législation.

Un dernier sujet a été évoqué est celui du statut juridique des auxiliaires de vie scolaire (AVS) : compétences, formation et cadre légal. 

L’objectif serait d’analyser le cadre juridique qui régit les AVS, la qualité et la formation souvent jugée incomplète ou improvisée, afin de proposer des pistes d’amélioration pour garantir un accompagnement professionnel et efficace.

La recherche-action sur la question de l’handicap permet d’aller au-delà du constat, en associant les personnes en situation de handicap, les acteurs de terrain à toutes les étapes de la recherche : diagnostic, expérimentation, évaluation et transformation. Elle permet d’être  source de propositions de réglementation plus adaptée. Elle constitue un levier de démocratie participative et de transformation sociale en faveur d’un Maroc plus inclusif.

Par Mme Hind Tak Tak, enseignante chercheure (UH2C-FSJESAC)