Les débats politiques télévisés et l’implication des Casablancais dans la vie politique

Par Docteur Abderrahim Outass
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Résumé : La télévision marocaine consacre une place non négligeable ces dernières années aux émissions politiques dans le but de permettre aux citoyens de connaitre et analyser les différentes tendances et orientations politiques. L’intérêt de notre recherche est de répondre à la question suivante : « Dans quelle mesure les débats politiques télévisés au Maroc participent à l’implication des citoyens marocains, notamment les casablancais dans la vie politique ? ». Nous avons à cet effet proposé une hypothèse générale à savoir : « Les débats politiques télévisés au Maroc n’ont pas un impact considérable dans l’implication des casablancais dans la vie politique » et trois autres hypothèses secondaires, la première se rapportant aux profils des animateurs, la deuxième relative aux profils des invités (débatteurs) et la troisième à propos des thèmes débattus.
Mots-clés : Débat politique télévisé (DPT), impact, profils animateurs, débatteurs, thèmes débattus, citoyens, casablancais.
Introduction
Depuis les années soixante, la télévision reste toujours le media privilégié pour suivre les actualités politiques. Elle continue à servir de lien entre les citoyens et les hommes politiques et constitue un espace important pour le débat politique.
Les débats politiques télévisés mobilisent toujours dans les grandes démocraties telles les Etats Unis d’Amérique et la France un grand audimat. A cet effet, les hommes politiques ne peuvent pas s’en passer pour communiquer.
Le débat politique télévisé nécessite outre les conditions matérielles de temps et d’espace, des débatteurs, des hommes politiques dans notre cas, des animateurs capables de mener à bien la mission de partager la parole aux débatteurs et d’obtenir le maximum de réponses permettant aux téléspectateurs d’évaluer les intervenants et des thèmes à débattre d’actualité bien choisis.
Le Maroc, jeune démocratie, n’échappe pas à cette règle, quoique l’Internet via notamment les réseaux sociaux prend de plus en plus de l’ampleur, la télévision reste toujours un média très suivi.
La télévision marocaine consacre une place non négligeable ces dernières années aux émissions politiques dans le but d’implanter davantage le pluralisme politique du Maroc, et permettre aux citoyens de connaitre et d’analyser les différentes tendances et orientations politiques, d’avoir – ou ne pas avoir- la conviction de s’impliquer activement dans la vie politique, notamment par l’exercice du vote.
La recherche que notre article va présenter consiste justement à essayer de répondre à la problématique suivante :
« Dans quelle mesure les débats politiques télévisés au Maroc participent à l’implication des citoyens marocains, notamment les Casablancais dans la vie politique ? »
Notre communication va s’articuler comme suit :
- méthodologie ;
- présentation des résultats ;
- interprétation des résultats.
- Méthodologie
- Problématique et hypothèse générale du travail
Les sociétés occidentales vivent aujourd’hui au rythme des médias et plus spécifiquement de la télévision. Dans ce contexte, la politique a trouvé à la télévision une terre d’accueil privilégiée pour devenir l’un des principaux vecteurs de la communication politique (Lecomte, 1993).
Au Maroc, le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, Mustapha El Khalfi a affirmé, en juin 2014, que le bilan de la diversité des émissions politiques à la télévision était positif en 2013, soulignant toutefois la persistance de problématiques au niveau de la diversité culturelle (Outass, 2015).
Il a aussi déclaré que « les Marocains commencent à se réconcilier avec leur télé pour ce qui est des émissions politiques ».
Partant de là, nous nous demandons :
« Dans quelle mesure les débats politiques télévisés au Maroc participent à l’implication des citoyens marocains, notamment les Casablancais dans la vie politique ? »
Dans le cadre de notre étude, et en réponse à notre interrogation, l’hypothèse générale que nous adoptons dans notre recherche est la suivante : « Les débats politiques télévisés au Maroc n’ont pas un impact considérable sur l’implication des Casablancais dans la vie politique ».
- Questions et hypothèses de la recherche :
Afin de cadrer notre sujet, et dans un souci d’efficacité et de pertinence, nous avons limité le nombre de questions et hypothèses à trois.
Question 1 :
Est-ce que le profil des animateurs des débats politiques télévisés au Maroc arrive à mobiliser un audimat important, susceptible de s’impliquer dans la vie politique ?
Hypothèse 1 :
Nous pensons que le profil des animateurs dans la télévision marocaine ne requiert pas une grande importance dans l’implication des citoyens dans la vie politique notamment le vote.
Question 2 :
Dans quelle mesure les téléspectateurs casablancais pourraient être influencés par la qualité des invités débatteurs dans leurs choix politiques ?
Hypothèse 2 :
La qualité des débatteurs a un effet insignifiant quant au choix politique des citoyens casablancais.
Question 3 :
Est-ce que les thématiques traitées par les débats politiques marocains répondent aux attentes des citoyens ?
Hypothèse 3 :
Quoique les sujets choisis semblent intéressants, leur traitement reste en-deçà des attentes des téléspectateurs.
- Enquête : les outils que nous avons utilisés lors de cette recherche sont le questionnaire et l’interview.
Notre questionnaire a été conçu de façon à dégager les profils des interviewés, des animateurs et des débatteurs et à mieux cadrer les thèmes débattus. Nous avons procédé par une administration de face à face.
Afin d’obtenir des résultats significatifs, nous avons opté pour un échantillon d’un millier de questionnés (1017). Notre échantillon a respecté la même répartition que celle de la population mère selon les variables indépendantes (âge, genre, niveau d’étude et la catégorie socioprofessionnelle) conformément aux statistiques détenues par le Haut-Commissariat au Plan.
Quant à l’interview, nous avons réalisé des entretiens avec des animateurs des DPT marocains et des personnalités politiques :
- Jamaa Goulahssen : Animateur de l’émission ‘’Moubacharatan Maakom’’ sur 2M ;
- Mostapha Alaoui : Animateur de l’émission ‘’Hiwar’’ sur AL OULA ;
- Mostapha El Khelfi : Ministre de la Communication, Porte-parole du gouvernement ;
- Rachid Talbi Alami : Président de la chambre des représentants, membre du bureau exécutif du RNI.
L’outil que nous avons choisi pour saisir les données en vue de les traiter et les analyser est le logiciel Sphinx qui nous a permis aussi de calculer le coefficient Chi2 qui facilite le choix des résultats les plus significatifs.
Revue de la littérature :
Depuis la nuit des temps, la littérature a largement mis l’accent sur l’influence des médias sur l’homme car ce dernier a toujours eu besoin de persuader, de convaincre et d’obtenir de l’autre ce qu’il veut.
Grâce au charisme, à la force et à la ruse. Alexandre le Grand (300 ans av. J.C) a su gagner des batailles aux leçons d’Aristote en matière de l’art de la parole et de la rhétorique. Depuis des siècles aussi, on a appris le réalisme et le management politique a travers Machiavel.
L’art de persuader et de convaincre a eu depuis longtemps ses maitres et ses experts. Ils sont Grecs, Chinois, Japonais, Arabes, Français, tous ont été lus et relus.
A l’instar de l’écriture selon Platon, les médias sont des prothèses pour la pensée. Depuis l’invention de l’imprimerie, les médias n’ont cessé de promouvoir de nouvelles formes d’expression, qui sont autant de moyens, pour l’homme, de créer des œuvres nouvelles.
Platon fait dire à Socrate, dans l’une de ses œuvres, que l’écriture est dangereuse, aux effets imprévisibles, mais un remède, capable de pallier les insuffisances de la pensée.
Ce plaidoyer était contre l’écrit et en faveur de l’oral ; selon Platon, seule la parole vive peut servir la pensée.
Ces mêmes réactions sont inlassablement reprises, chaque fois qu’un nouveau média apparaît, ou qu’une nouvelle technique commence à s’imposer face à ses devancières.
Ainsi l’essor de la télévision a ouvert la polémique entre l’écrit et l’audiovisuel, entre les pièces théâtrales et les téléfilms, etc.
L’impact des médias, quatrième pouvoir, sous leurs différentes formes, presse écrite, radio, télévision et actuellement Internet, sur l’opinion publique n’a jamais cessé d’intéresser les chercheurs, selon Edmund Burke.
Aucune enquête n’a jamais réfuté les conclusions de Paul Lazarsfeld, à savoir que les médias n’ont pas un impact direct sur l’opinion publique.
Le mystère du pouvoir des médias est toujours là, il est d’autant plus grand qu’on le croit faible, d’autant plus faible qu’on le croit grand.
Les bibliothèques, notamment américaines suivies des européennes, sont riches d’écrits et de recherches sur l’impact des médias sur les comportements politiques des citoyens.
Cette richesse s’est accentuée avec l’appariation des débats politiques télévisés dans les années 1940, et le déroulement du débat (face to face) Kennedy-Nixon en 1960.
Les recherches arabes ont vu le jour avec l’arrivée de la chaine Al Jazeera.
Au Maroc, le genre de débats politiques télévisés est très récent, il date de quelques années, il a été précédé par quelques « émissions politiques » d’où l’absence de recherches dans le domaine, à l’exception de quelques articles et quelques interviews.
Notre présent travail se veut novateur, dans la mesure où il ne traitera pas d’une manière générale l’impact des débats politiques télévisés sur les citoyens, mais il le décomposera en effets portés par des variables et peu traités auparavant.
Si la majorité des recherches ont mis le point sur la qualité des intervenants, d’autres d’une manière un peu moins sur la qualité des messages, notre étude va outre ces deux dimensions traiter aussi celle des animateurs.
- Présentation des résultats
Si 57% des interviewés qualifient la qualité des animateurs de satisfaisante, les femmes représentent plus que la moitié.
48,27 % seulement des personnes qui regardent les débats politiques télévisés estiment que le niveau des invités est satisfaisant.
55,60 % des personnes qui estiment que le niveau des invités est satisfaisant sont des femmes.
355 des interviewés (soit 34,90%) trouvent que les invités sont crédibles ; la majorité sont des femmes 194 (soit 54,65%).
Les femmes sont sensibles à la crédibilité et les hommes à la force de persuasion.
59,49 % des personnes qui regardent les débats politiques télévisés estiment que la qualité des thèmes débattus est satisfaisante.
54 % des personnes qui estiment que la qualité des thèmes débattus est satisfaisante sont des femmes.
61% des personnes de niveau primaire jugent que les animateurs ont un niveau satisfaisant ou très satisfaisant contre seulement 54% des personnes de niveau secondaire et universitaire.
50,23% des personnes de niveau primaire et de formation professionnelle trouvent le niveau des invités satisfaisant ou très satisfaisant contre seulement 46,65% des personnes de niveau secondaire et universitaire.
55,67% des personnes sans emploi trouvent la qualité des thèmes satisfaisante ou très satisfaisante contre seulement 45,44% des personnes des autres catégories socioprofessionnelles.
65,24% des sans emploi trouvent le niveau des animateurs satisfaisant ou très satisfaisant contre 54,83% des autres catégories socioprofessionnelles.
55,67% des sans emploi trouvent le niveau des invités satisfaisant ou très satisfaisant contre 45,44% des autres catégories socioprofessionnelles.
Les sans emploi (68,79%) trouvent les thèmes débattus de qualité contre (55,91%) des autres catégories socioprofessionnelles.
- Analyse des résultats
La télévision a un impact à la fois positif et négatif. De nombreuses études portent sur les répercussions des programmes télévisés sur la société. La télévision exerce donc une profonde influence sur le comportement psychosocial des téléspectateurs. De leur côté, les débats politiques télévisés peuvent avoir une grande capacité d’informer ou d’accroitre les connaissances politiques, et ainsi s’impliquer dans la chose politique et publique.
L’intérêt de notre étude est de chercher à comprendre si les débats politiques télévisés au Maroc ont un impact ou non sur l’implication des citoyens, notamment les Casablancais, dans la vie politique.
Nous basant sur les différents aspects qui caractérisent les débats politiques télévisés, et après leur analyse, nous prétendons que les débats politiques télévisés au Maroc n’ont pas d’impact considérable sur l’implication des citoyens dans la vie politique.
Nous allons présenter notre analyse comme suit :
I. Analyse des résultats relatifs aux attitudes des citoyens à l’égard des animateurs des DPT ;
II. Analyse des résultats relatifs aux attitudes des citoyens à l’égard des invités aux DPT ;
III. Analyse des résultats relatifs aux attitudes des citoyens à l’égard des thèmes débattus lors des DPT.
- Analyse des résultats relatifs aux attitudes des citoyens à l’égard des animateurs des DPT
On peut dire que les débats politiques et plus particulièrement les débats politiques télévisés sont des outils essentiels à la démocratie. Pour commencer, le débat est un moyen d’expression, un moyen de se cultiver ou encore un moyen d’échanger des idées politiques, chose indispensable dans une démocratie pour que les citoyens puissent personnellement se forger leurs opinions (Dogan Mattei, Narbonne Jacques, 1995).
Un débat est géré et animé par un animateur-journaliste, le rôle de ce dernier est certes essentiel pour la réussite d’un débat.
En effet c’est lui qui est chargé de présenter les invités, de faire rebondir le débat lorsque celui-ci commence à s’affaiblir, de le relancer, ou bien au contraire de l’interrompre si celui-ci sort du sujet initialement prévu. C’est donc à lui de faire dialoguer les invités le plus possible, il utilise d’ailleurs pour cela des techniques d’interview propres au débat.
Au Maroc, au moment où nous avons entrepris notre investigation, en dehors des recherches intéressantes entreprises dans le cadre de la formation en communication politique de la Faculté de Droit Ain Chock de l’Université Hassan II (voir à ce propos l’article de Rachid ARRAICHI), aucune recherche académique n’avait encore sérieusement porté sur les débats politiques télévisés et leurs rôles dans la vie politique de façon générale. Nous essayons donc aujourd’hui d’analyser les différents aspects liés à ce phénomène, à commencer par le profil des animateurs marocains.
Un animateur de débat politique télévisé devrait se documenter sur le sujet traité. Inutile d’être spécialiste ni de tout savoir, il s’agit surtout de cerner le problème posé par la question, ainsi viendront par la suite les étapes de préparation de l’espace, préparation de l’introduction et des fiches techniques quelques jours avant la date prévue de l’émission. Reste à savoir si le profil d’un bon animateur pourrait mobiliser un audimat important susceptible de s’impliquer dans la vie politique.
Selon notre recherche (Outass, 2015), au Maroc, Seulement 34,51 % des personnes qui estiment que le niveau des animateurs est satisfaisant ou très satisfaisant, participent dans la vie politique par l’exercice du vote aux élections.
S’agissant des moyens pour mieux comprendre le pourquoi de ce résultat, notre recherche indique que les jeunes casablancais (46.7% entre 25 et 34 ans) et (51% entre 35 et 44) trouvent que les animateurs marocains manquent de maitrise des préoccupations des citoyens ; ainsi, ils estiment que les animateurs doivent améliorer également la maitrise des thèmes débattus. Pour ce qui est des préoccupations des citoyens, Mostapha Alaoui, animateur de l’émission ‘’HIWAR’’ sur la chaine marocaine ‘’AL OULA’’ nous affirme que l’animateur des débats politiques télévisés est censé être le porte-parole du citoyen marocain en posant des questions précises, concises et révélatrices ayant pour but la clarification des intérêts et des besoins du citoyen.
En ce qui concerne la variable Genre, et contrairement aux résultats relatifs au profil de l’animateur croisés avec la variable Age, nous trouvons que 62.8% des femmes jugent que les animateurs maitrisent les thèmes débattus. Plusieurs femmes enquêtées ont justifié cette satisfaction par le fait qu’elles suivent autant de débats qui touchent l’intérêt général, ou encore qui traitent des sujets intégrant la femme en tant qu’acteur principal dans la société, et qu’elles trouvent que les animateurs maitrisent aussi bien les thèmes débattus que les invités spécialistes en la matière.
De plus, ce que nous considérons comme résultat probant en relation avec le profil de l’animateur, c’est le pourcentage des analphabètes (21.1%) qui ont jugé le niveau général des animateurs marocains de très satisfaisant. Contrairement aux niveaux secondaires (41%) et universitaires (36%) qui généralement évaluent le niveau des animateurs de moyen. Nous supposons que le niveau d’étude influence qualitativement la capacité d’analyse de nos enquêtés. De ce fait – et en nous basant sur l’ensemble des résultats- nous trouvons plus logique la qualification du niveau des animateurs marocains des DPT de Moyen.
En réponse à la question sur la maitrise du plateau par les animateurs, nous avons constaté que les réponses se rapprochent de façon significative entre les différentes variables, la quasi majorité des réponses penche sur le niveau moyen (37.6%) à satisfaisant (43%) des animateurs marocains en matière de maitrise du plateau. Cela pourrait s’expliquer par l’aspect technique lié à la gestion du débat : Un animateur dans une chaine télévisée professionnelle ne pourrait passer en plateau que s’il maitrise les différentes particularités du débat à savoir :
- Préparer l’espace et l’accueil
- Demander la parole
- Ecouter celui qui parle
- Ne pas interrompre
- Organiser les tours de parole
- Relancer un débat qui s’affaisse
- Revenir aux questions qui n’ont pas été traitées en profondeur
- Faire une synthèse partielle des échanges et proposer de réagir
- Conclure le débat dans les règles de l’art
En outre, et tout au long de notre recherche (Outass, 2015), nous constatons que les répondants sans niveau d’étude et sans profession jugent souvent le niveau de l’animateur marocain de satisfaisant (47.2%) à très satisfaisant (18.1%), également 61.34 % des sans profession évaluent le degré de transmission des préoccupations des citoyens par l’animateur de satisfaisant et très satisfaisant, contrairement aux autres profils (Employeurs, Salariés, Etudiants …) qui sont relativement distants par rapport au niveau global des animateurs, et qui optent plutôt pour la qualification ‘’Moyen’’ tout au long de la recherche.
Nous supposons donc que le niveau d’instruction et la catégorie socioprofessionnelle sont les variables les plus déterminantes à établir des rapports de qualification, elles sont liées étroitement et reflètent la divergence de capacité d’analyse entre les différents profils enquêtés.
Compte tenu de tout ce qui a précédé, nous pouvons dire que notre enquête, en ce qui concerne le profil de l’animateur, souligne les points essentiels cités ci-après :
- L’animateur marocain des DPT doit améliorer en premier lieu la maitrise des préoccupations des citoyens, en second temps la maitrise des thèmes débattus, et le charisme (Outass, 2015) en troisième lieu.
- Contrairement aux hommes, les femmes trouvent que les animateurs maitrisent les thèmes débattus.
- Quoique 78.3% de la population enquêtée trouve que le niveau de l’animateur moyen à satisfaisant, seulement 34,51 % des personnes sont mobilisées à travers les DPT à participer dans la vie politique.
Dans un souci de perfectionnement du travail, et afin de savoir dans quelle mesure les animateurs des débats politiques télévisés parviennent à jouer pleinement leur rôle dans la réussite de ces émissions en incitant notamment les téléspectateurs à s’intéresser à la politique, nous avons posé la question à ‘’Jamaa Goulahssen,’’ Animateur de l’émission ‘’Moubacharatan maakom مباشرة معكم’’ sur la deuxième chaine marocaine 2M qui nous a donné son point de vue en tant qu’animateur : ‘’ Le rôle des animateurs est de bien gérer, éditorialement et sur les plans de respect du temps et des règles déontologiques, les émissions. C’est aux acteurs politiques de faire preuve de maturité et de bon discours pour que les téléspectateurs soient plus attirés par la « chose » politique. C’est vrai que la réussite du débat télévisuel est un facteur incitatif’’ (Outass, op.cit.).
L’avis de Goulahssen nous projette donc sur notre deuxième question de recherche : Dans quelle mesure les téléspectateurs casablancais pourraient être influencés par la qualité des invités débatteurs dans leurs choix politiques ?
- Analyse des résultats relatifs aux attitudes des citoyens à l’égard des invités aux DPT.
Le débat télévisé est un genre discursif médiatique qui se distingue des autres émissions télévisées surtout par ses spécificités discursives, ainsi que par ses éléments de mise en scène à savoir : L’espace, la durée, l’animateur et les participants au débat. Ces derniers sont invités par une instance médiatique pour débattre autour d’un sujet.
Généralement, les invités aux débats politiques télévisés doivent répondre à certains critères pour réussir leurs passages à la télévision, tels que la maitrise des sujets débattus, la capacité rhétorique afin de persuader, ou encore convaincre, ainsi avoir le sens de proximité avec les citoyens.
Au niveau de notre présente enquête, et après avoir analysé l’axe relatif au profil de l’animateur, nous essayerons ci-après d’interpréter les résultats relatifs aux attitudes des citoyens à l’égard des débatteurs marocains.
Le premier constat qui s’impose au niveau de notre analyse est que la relation entre la variable Age et l’ensemble des réponses concernant le profil des débatteurs n’a pas pu être évaluée, nous rappelons que notre enquête ne concerne que la population de plus de 18 ans.
Quoique la télévision soit soupçonnée de compromettre le débat politique et de faire décliner le sens civique, elle joue quand même un rôle complexe dans les relations entre citoyens (Ages différents) et décideurs (Débatteurs) qu’il faut interroger de manière plus subtile. Nous supposons donc que les réponses des catégories d’âge allant de 18 ans à plus de 65 ans n’ont pas de cohérence statistique, c’est pourquoi nous n’avons pas eu de tableaux significatifs pour l’ensemble des questions liées aux attitudes des interviewés à l’égard des invités des DPT.
En ce qui concerne le genre, traditionnellement la science politique montre que les femmes n’ont pas un comportement politique identique à celui des hommes, elles sont plus conservatrices (Issalmane, 2013), plusieurs sondages réalisés laissent à penser que les hommes s’intéressent plus à la politique que les femmes, aujourd’hui certains travaux signalent un rapprochement des attitudes politiques des hommes et des femmes. Au Maroc, nous pouvons dire que l’intérêt pour la politique et son suivi ne sont plus l’apanage des hommes. En effet, 35,4% des femmes se sont particulièrement intéressées à la campagne électorale de 2011 contre 29,4%111 des hommes (Issalmane, op.cit.). Cet aspect est appuyé par les pourcentages tirés de notre recherche, nous signalons à ce stade un chiffre probant qui nous confirme que même les femmes sans emploi s’intéressent de plus en plus à la politique : les sans emploi (qui représentent 27.72% de la population interviewée) sont constitués de 78% de femmes.
Néanmoins, 48,27 % des personnes qui regardent les débats politiques télévisés estiment que le niveau des invités est satisfaisant (Outass, 2015), dont 55,60 % sont des femmes. De plus, seulement 34.64% des interviewés trouvent que les invités sont sensibles aux préoccupations des citoyens (Outass, op.cit.). Notons que sur les 34.64% des interviewés satisfaits de l’intérêt que portent les invités aux DPT aux préoccupations des citoyens, nous trouvons que les réponses des femmes représentent 58%.
Ainsi Seulement 43.55% des répondants trouvent que les invités maitrisent les sujets débattus, dont 54.17% sont des femmes.
Nous constatons, comme c’est le cas pour le profil d’animateur, que la variable Genre nous projette dans des résultats très significatifs. Les femmes ont des attitudes positives à l’égard des invités, ainsi pour discuter cet aspect, il nous semble judicieux à notre sens de se référer aux points à améliorer chez les débatteurs marocains selon les avis des femmes et des hommes :
Classement des points à améliorer chez les invités débatteurs Femmes Hommes 1 Intérêt porté aux préoccupations des citoyens Intérêt porté aux préoccupations des citoyens 2 Charisme Maitrise des sujets débattus 3 Maitrise des sujets débattus Charisme 4 Crédibilité La force de persuasion 5 La force de persuasion La force de persuasion
Nous constatons d’après le tableau ci-dessus que les femmes et les hommes jugent que l’intérêt porté aux préoccupations des citoyens est le premier point à améliorer chez les débatteurs, ce résultat nous semble logique, car tous les citoyens prétendent que les politiciens, et aussi les journalistes sont les portes parole et les transmetteurs de leurs préoccupations au quotidien.
Le charisme pour les femmes est le deuxième point à améliorer, il vient avant la maitrise de sujets, et vice versa. S’agissant d’expliquer le classement du charisme dans le deuxième rang par les femmes, nous évoquons une citation célèbre (Sélim, 2012) qui dit que ‘’Les filles sont attirées par ce qui brille, par les leaders, par les rock stars, les artistes, les hommes politiques’’. En outre plusieurs analyses socio psychologiques concluent que les gens qui seraient neutres facilement, vocalement, gestuellement ne sont pas du tout attirants, on ne leur attribue pas des traits de personnalité qui en feraient des hommes politiques à succès.
S’agissant de confronter les réponses relatives au profil des invités avec la variable niveau d’étude, nous constatons que 46,46% (Outass, 2015) des personnes de niveau primaire et de formation professionnelle trouvent que les invités maitrisent les sujets débattus contre seulement 41,15% des personnes de niveau secondaire et universitaire. Nous supposons que le niveau d’analyse du contenu politique est plus élevé chez les universitaires, ce qui explique logiquement nos résultats.
Mostapha El khalfi, Ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement nous révèle que les citoyens marocains ont aujourd’hui un sens d’analyse politique, qui leur permet d’évaluer la rationalité ainsi que la crédibilité des débatteurs sur le plateau du DPT, il dit : ‘’Supposons qu’un acteur politique vient pour débattre de l’augmentation des prix et il vient au plateau sans se préparer convenablement et à travers son intervention le citoyen détecte qu’il n’a aucune idée sur les prix pratiqués dans la réalité il va vite le taxer de non crédible…’’(Outass, 2015).
De son côté, Mostapha Alaoui nous confirme que ‘’La personnalité de l’homme politique, sa présence sur la scène politique, son charisme, sa culture politique … Tous ces éléments réunis contribuent au succès des émissions télévisées’’ (Outass, op.cit.) Cet avis nous rassure par rapport à nos résultats qui montrent que, par exemple, les citoyens satisfaits du charisme, ne le sont pas forcément pour le point touchant la maitrise de sujet, ce qui nous donne généralement une faible satisfaction vis-à-vis des débatteurs marocains.
Nous proposons ci-après quelques règles simples mais essentielles aux débatteurs afin de réussir leurs passages aux DPT :
- Suivre la structure du débat
- Garder le calme.
- Parler clairement.
- Expliquer un cheminement logique.
- Etre respectueux/respectueuse et juste.
- Avoir l’air confiant.
- Utiliser des arguments logiques.
- Se servir des émotions.
- Utiliser des arguments d’autorité.
- Faire des recherches en amont.
- Identifier les raisonnements fallacieux.
- Diriger le sujet dans la bonne direction.
- Analyse des résultats relatifs aux attitudes des citoyens à l’égard des thèmes débattus lors des DPT
Notre dernier axe d’analyse penche vers l’évaluation des thèmes débattus lors des DPT au Maroc, une analyse qui nous conduira à détecter les plus et les moins prisées de ces émissions à travers le choix des thématiques abordées.
D’emblée, il nous semble que notre population évalue généralement la qualité des thèmes débattus de moyen à satisfaisant (59,49 % des personnes qui regardent les débats politiques télévisés estiment que la qualité des thèmes débattus est satisfaisante [2]), toutefois 54 % des personnes qui estiment que la qualité des thèmes débattus est satisfaisante sont des femmes(Outass, 2015), nous supposons – comme c’est le cas pour les résultats relatifs au profil des invités- que les femmes sont plutôt séduites par le charisme et le ton par lequel les débatteurs traitent le sujet en question , ainsi que par le contenu des interventions.
Nous notons que les sans emploi de nos interviewés sont constitués de 78% de femmes, nous croyons fortement donc que ces femmes représentent le courant s’intéressant à la politique dans sa forme générale, et non pas dans sa profondeur, contrairement aux résultats d’une enquête (Issalmane, 2013) réalisée auprès des étudiants et étudiantes casablancais, et qui montre que les étudiantes femmes sont plus informées sur l’actualité politique grâce à internet, plus conscientes du marketing politique et mieux orientées dans leur choix politique que les hommes. Ces indicateurs nous permettent de déduire que fort probablement la catégorie socio-professionnelle chez les femmes impacte largement les résultats de notre recherche.
Par ailleurs, quoique 60 % des personnes qui regardent les débats politiques télévisés soient d’accord sur le choix des thèmes débattus, 45 % seulement d’entre elles trouvent qu’ils sont correctement traités [2] dont les femmes représentent 55.46%. Nous supposons que cette faible satisfaction vis-à-vis du traitement des sujets débattus est due -comme le souligne Mostapha El Khalfi- à la non qualification des élites et à la non maitrise des capacités communicationnelles, au niveau médiocre en matière de débat, de discussion et de dialogue, ainsi qu’à la faiblesse et/ou la non pertinence de l’utilisation des chiffres et de l’argumentation (Outass, 2015).
En outre, les sans emploi (54,25%) trouvent que les thèmes débattus reflètent les préoccupations des citoyens contre (48,98%) des autres catégories socioprofessionnelles. Ces pourcentages nous semblent faibles, car un DPT doit avant tout discuter les préoccupations réelles des citoyens, puisque toutes les thématiques qui touchent le citoyen ou le champ politique et qui sont liées intimement aux préoccupations du citoyen dans les différents domaines vont pousser vivement le citoyen marocain à participer à la vie politique (Outass, op.cit.)
De plus, 55,67% des personnes sans niveau d’étude, et (68,79%) des sans-emploi trouvent la qualité des thèmes satisfaisante ou très satisfaisante contre seulement 45,44% des personnes ayant différents niveau d’instruction et (55,91%) des autres catégories socioprofessionnelles [2]. Nous supposons que la divergence d’opinion est due à la multiplication des centres d’intérêt des citoyens, qui différent selon la profession, ou encore le niveau d’étude.
Généralement, pour garantir la réussite des débats politiques télévisés il faut utiliser le verbe facile, compréhensible par le citoyen et s’éloigner de la langue de bois et exploiter les nouvelles technologies de l’information pour avoir une adhésion et une interactivité plus importante (Outass, 2015), c’est une règle à suivre de la part des animateurs et des débatteurs pour cerner et analyser objectivement et qualitativement une thématique donnée touchant le citoyen marocain.
Conclusion
Nous avons essayé à travers notre étude de trouver la réponse à notre question : « Dans quelle mesure les débats politiques télévisés au Maroc participent à l’implication des citoyens marocains, notamment les casablancais, dans la vie politique ? ».
Nous avons à cet effet proposé une hypothèse générale à savoir : « Les débats politiques télévisés au Maroc n’ont pas un impact considérable sur l’implication des Casablancais dans la vie politique » et trois autres hypothèses secondaires, la première se rapportant aux profils des animateurs : «Nous pensons que le profil des animateurs sur la télévision marocaine ne requiert pas une grande importance dans l’implication des citoyens dans la vie politique notamment le vote», la deuxième relative aux profils des invités (débatteurs) : «La qualité des débatteurs a un effet insignifiant quant au choix politique des citoyens casablancais» et la troisième à propos des thèmes débattus : « Quoique les sujets choisis semblent intéressants, leur traitement reste en deçà des attentes des téléspectateurs».
Nous rappelons que notre étude est composée de trois parties, la première a été réservée aux préliminaires méthodologiques et théoriques, la deuxième à la présentation des résultats de notre enquête et ceux de nos interviews et la troisième pour présenter l’analyse et les interprétations des résultats.
• Vérification des hypothèses :
Si 60% des personnes qui regardent les débats politiques télévisés trouvent le niveau des animateurs satisfaisant ou très satisfaisant, seulement 34,51 % participent dans la vie politique par l’exercice du vote aux élections. Ce qui confirme notre 1ère hypothèse, à savoir que « le profil des animateurs sur la télévision marocaine ne requiert pas une grande importance dans l’implication des citoyens dans la vie politique notamment le vote ».
Notre 2ème hypothèse à savoir que « La qualité des débatteurs a un effet insignifiant quant au choix politique des citoyens » est à son tour confirmée du moment que 50% des personnes qui regardent les débats politiques télévisés jugent le niveau des débatteurs satisfaisant et seulement 36% parmi elles votent lors des élections.
Quant à la troisième hypothèse à savoir : « Quoique les sujets choisis semblent intéressants, leur traitement reste en deçà des attentes des téléspectateurs » elle est confirmée car 60% des personnes qui regardent les débats politiques télévisés estiment que le niveau de la qualité des sujets débattus est satisfaisant ou très satisfaisant mais seulement 45% trouvent le niveau de leur traitement satisfaisant.
Notre hypothèse générale est validée par le fait que seulement 34,5% des personnes qui regardent les débats politiques télévisés participent au vote.
Bibliographie :
DOGAN, M., J., NARBONNE, (1995), Les françaises face à la politique. Comportement politique et condition sociale, Paris, Presses de la fondation nationale des sciences politiques.
ISSALMANE, M. (2013), L’impact du marketing politique sur les étudiants de l’université Mohamed 5 Rabat, Mémoire présenté de Master en Communication politique, sous la Direction du Pr Rachid Arraichi, FSJES-Ain Chock, Université Hassan II – Casablanca, Casablanca
LECOMTE, P. (1993), Communication, télévision et démocratie, Lyon, Presses Universitaires de Lyon,
Outass, A. (2015), Les débats politiques télévisés et l’implication des citoyens casablancais dans la vie politique, Mémoire présenté en vue de l’obtention du diplôme de master en Communication politique, sous la direction du Pr Rachid ARRAICHI, FSJES-Ain Chock, Université Hassan II – Casablanca, Casablanca
Webographie
Les coulisses des débats télévisés politiques, disponible sur http://lesdebatstelevisespolitique.e-monsite.com/
Sélim, 2012, les 5 clés pour avoir du charisme, disponible sur : www.artdeseduire.com .
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