Casablanca grave sa mémoire : L’éclat sensible de l’Open Portfolio

Sous les voûtes majestueuses de l’Espace Culturel Sacré-Cœur, cœur battant du patrimoine casablancais, s’est ouverte une parenthèse poétique : l’Open Portfolio – Édition Casablanca. Ce rendez-vous, impulsé par la Ville de Casablanca et soutenu par Casablanca Events & Animation, a offert bien plus qu’une exposition : une traversée sensible dans l’univers des arts graphiques émergents, une célébration de l’encre et du trait comme langages d’une humanité partagée.


Cette manifestation ne fut ni simple vitrine ni enfilade de tableaux : elle s’est érigée en manifeste visuel, en archipel de regards portés sur un monde en mutation. Dans le bruissement du papier et la vibration des noirs profonds, s’est dessinée une géographie d’âmes venues de tous horizons. Casablanca, le temps d’un souffle, s’est faite carrefour de résonances, théâtre d’un dialogue entre traditions gravées et visions à naître.
La gravure comme poétique du lien Grâce à Open Portfolio, la ville blanche a accueilli des artistes porteurs de récits intimes et de techniques virtuoses, composant une fresque collective où chaque œuvre était une empreinte sur la peau du sensible.

Comme l’a exprimé Said Guihia, directeur de l’ESBAC : « Open Portfolio a dessiné un territoire de rencontre entre imaginaires, une mosaïque où les langages plastiques ont effacé les frontières. La gravure, dans toutes ses nuances ( encre, trait, silences habités ) y a trouvé une scène à sa mesure » .
Les partenaires tels que FIG Bilbao, l’Institut Cervantès, MK Art Residency ou encore Basma Printmaking ont contribué à cette constellation créative, tout comme les artistes et étudiants, qui ont élevé cette rencontre au rang de célébration partagée.
Une ville en réinvention permanente Dès l’ouverture, Casablanca s’est révélée sous un jour nouveau. Le Sacré-Cœur, entre mémoire sacrée et énergie contemporaine, a vibré au rythme des échanges entre artistes, critiques, enseignants et curieux. La soirée d’inauguration,
ponctuée de prises de parole fondatrices, a atteint son apogée avec la performance du maître chinois de la xylographie, Wei Yuhang, dont les gestes précis ont rappelé la noblesse du bois et la fluidité de l’encre.

Puis, un silence est descendu sur les lieux, semblable à une respiration suspendue, annonciatrice de futurs mouvements artistiques.
Samedi gravé dans la mémoire la gravure s’est imposée comme un acte vivant entre tradition et audace. Le Sacré-Cœur s’est mué en atelier symbolique, en sanctuaire du papier où se sont conjugués gestes anciens et expérimentations. La conférence de Raquel Medina,
modérée par Chafik Ezzouguari, a sondé les potentialités contemporaines de la gravure. La performance de Sfia Agouzoul ( ESBAC) sur plexiglas a dessiné un monde intime de transparence et de résonance.
La table ronde dirigée par Dr. Abdellah Cheikh a réuni les voix éclairées de Said Guihia, Arteagothia, Khalid El Bekay et Tibari Kantour autour du rôle du papier dans la création actuelle. La matière y fut pensée comme tension, support et révélateur.


Les prix attribués ( FIG Bilbao, MK du jeune graveur, Basma Printmaker ) ont salué la créativité de jeunes artistes tels que Caroline Le Meur-Caleme, El Haji Samba, Anna Eliizabeth, Wei Yuhang, Yu Ziliang, Ilyes Oulkaid et Salah Makoudi ( ESBAC) . Enfin, Nora Laguna a offert une performance lumineuse, véritable danse de l’ombre et de la lumière.
Épilogue en lumière : la gravure comme mémoire du futur La clôture de l’exposition, empreinte de recueillement et de beauté, a rassemblé
un bouquet d’artistes venus du monde entier : Wei Yuhang, Yu Ziliang ( Chine) , Anna Elizabeth ( Russie) , Elhaji Samba (Sénégal) , Nora Laguna ( Espagne) , Caleme ( France) , Juan Balay( Espagne) , Doris Araujo( USA) , Salwa Aydi (Tunisie) , Virginie Faivre ( Belgique) , Ramy Rabii( Egypte) , Abdulrahman Almutawah, ( Quatar ) et les Marocains Sfia Agouzoul, Ilyes Oulkaid, Chouaib Attif, Salah Makoudi (ESBAC) . L’alchimie de la photo-gravure présentée par Caleme a dévoilé l’intime fusion entre lumière et matière.


Une visite de la Médina et de la Mosquée Hassan II a ancré cette expérience dans l’histoire et le souffle spirituel de la ville.
Il est à souligner que la gravure est bien plus qu’une technique : elle est une posture existentielle, une sculpture de la mémoire, une manière de suspendre le temps dans l’ombre d’un trait. À l’ère du tout numérique, elle nous rappelle que l’art est un acte humain, fragile, mais porteur de sens. »
Les artistes présents ont ainsi dessiné un monde où l’encre se fait voix, où le silence devient trace, où chaque ligne est un fragment d’histoire. L’exposition a révélé Casablanca comme havre de créations et escale pour les rêves venus de l’ailleurs. Et lorsque les rideaux se sont refermés, c’est un écho qui a persisté. Une pulsation gravée en chacun, appelant à reconsidérer la beauté des traces, la noblesse du papier, et la force poétique de l’art dans un monde dispersé.

Par Dr. Abdellah Cheikh, Critique d’art