Prises de parole royales : Une relation forte et directe entre le Roi et le peuple

Le Roi du Maroc prononce trois discours officiels à la nation aux occasions des fêtes nationales, à savoir la fête du Trône, le 30 juillet, la Révolution du Roi et du peuple[1], le 20 août et la Marche verte, le 6 novembre.
Ces trois discours adressés directement au peuple sont annoncés à la radio et à la télévision par l’expression : «Citoyens, citoyennes, Sa Majesté s’adresse à vous», avec le drapeau national et les armoiries du Royaume du Maroc sur les écrans. Autant dire que les messages sont adressés directement au peuple, qui est d’ailleurs appelé par le souverain «cher peuple».
En plus de ces trois discours, le Roi prononce un quatrième discours à l’occasion de l’ouverture de l’année législative du parlement avec ses deux chambres, le deuxième vendredi du mois d’octobre.
Contrairement aux trois discours prononcés par le souverain à l’occasion des fêtes nationales, le discours du parlement n’est pas adressé directement au peuple, même s’il est diffusé en direct sur les ondes de la radio et transmis à la télévision.
Spécificité de chaque discours
En dépit de cette spécificité formaliste du discours prononcé depuis le perchoir de l’Hémicycle, il y a donc quatre prises de parole royales par an sur le calendrier officiel et dont les rendez-vous[2] sont toujours respectés par le Souverain. Ce nombre a été ramené depuis le 30 juin 2023 à trois, après l’annulation du discours qui était prononcé à l’occasion de l’anniversaire de la «Révolution du Roi et du peuple», le 20 août de chaque année.
Toutes les prises de parole royales commencent par les termes «Louange à Dieu, Prière et salut sur le Prophète, Sa famille et Ses compagnons» et se terminent généralement par un verset coranique ou une citation du prophète (Hadith) que le souverain utilise en guise de conclusion pour traduire une pensée en rapport avec une idée développée dans le discours, avant l’expression «Wassalamou alaikoum warahmatoullahi wabarakatouh»[3].
Pour ce qui est du discours de la fête du Trône, le Roi en a donné la définition, en soulignant dans le discours adressé depuis la ville de Tanger le 30 juillet 2003 qu’«Il est d’usage que le Discours du Trône dresse le bilan des réalisations de l’État et esquisse les perspectives de son action à venir».
Le souverain a tenu à faire ce rappel puisque ce discours allait faire exception puisqu’il intervenait quelques semaines après les attentats[4] ayant frappé la capitale économique du pays le 16 mai 2003.
«Toutefois, le souci de t’entretenir, en toute franchise, de la situation que traverse le pays, M’a poussé à faire de ce discours un moment fort de réflexion nationale collective et d’analyse qui transcende le souvenir cruel des actes terroristes de Casablanca, pour en tirer les enseignements nécessaires et gérer le redressement qui doit s’opérer dans le parcours emprunté par la nation», expliquait le souverain. L’emploi de la locution «en toute franchise» souligne la clarté dans le discours et son langage de proximité.
Le discours qui était prononcé à l’occasion de l’anniversaire de la «Révolution du Roi et du peuple», le 20 août de chaque année avant 2023, était, quant à lui, généralement consacré à des thématiques d’actualité, le lancement de nouveaux chantiers, de nouveaux développements à l’échelle régionale ou encore des échéances à venir.
Enfin, le discours de la «Marche verte», le 6 novembre de chaque année, est essentiellement dédié aux développements de la cause nationale, les chantiers lancés dans la région et d’une manière générale la politique du royaume consacrée à cette question de l’intégrité territoriale du pays.
En direct de Laâyoune
En 2015, le discours royal a été adressé en direct depuis la ville de Laâyoune à l’occasion du quarantième anniversaire de la Marche verte, marquée par le lancement du nouveau modèle de développement des provinces du Sud où le Roi a eu droit à un gigantesque bain de foule.
Le lendemain, 7 novembre 2015, le souverain n’a pas changé l’habitude de prendre sa voiture privée pour des balades à Laâyoune, chef-lieu du Sahara marocain, comme il le faisait dans les autres villes du royaume notamment à Tanger, Tétouan, Al hoceima, Casablanca, Fès ou Rabat.
L’année suivante, 2016, SM le Roi a encore souligné la dimension africaine du Maroc, en adressant son discours à la nation à partir du Sénégal, à l’occasion du 41e anniversaire de la Marche verte avec en arrière-plan une carte du continent africain.
Discours exceptionnels
En plus de ces discours fondateurs du Souverain, l’année 2011 a été ponctuée par deux prises de parole royales exceptionnelles. Il s’agit du discours royal du 9 mars 2011 dans lequel le Monarque a annoncé les grandes lignes de la réforme constitutionnelle. «Si Nous avons pleinement conscience de l’ampleur des défis à relever, de la légitimité des aspirations et de la nécessité de préserver les acquis et de corriger les dysfonctionnements, il n’en demeure pas moins que Notre engagement est ferme de donner une forte impulsion à la dynamique réformatrice profonde qui est en cours, et dont le dispositif constitutionnel démocratique constitue le socle et la quintessence.
La sacralité de nos constantes qui font l’objet d’une unanimité nationale, à savoir l’Islam en tant que religion de l’Etat garant de la liberté du culte, ainsi que la commanderie des croyants, le régime monarchique, l’unité nationale, l’intégrité territoriale et le choix démocratique, nous apporte un gage et un socle solides pour bâtir un compromis historique ayant la force d’un nouveau pacte entre le Trône et le peuple.
A partir de ces prémisses référentielles immuables, Nous avons décidé d’entreprendre une réforme constitutionnelle globale», a tenu à souligner le SM le Roi dans un discours[5] qui avait pris tout le monde de court dans le sillage des manifestations du Mouvement du 20 février (M20F) au Maroc et de ce qu’on avait appelé le «printemps arabe[6]» dans d’autres pays.
Le défi a été ainsi lancé et le peuple marocain va devoir participer activement à la réforme de la Loi fondamentale du pays. Et la particularité du Maroc s’est imposée. Ce discours cadre avec ses précédents et s’inscrit parfaitement dans la logique du discours du Trône, juillet 1999.
« Nous sommes extrêmement attaché à la monarchie constitutionnelle, au multipartisme, au libéralisme économique, à la politique de régionalisation et de décentralisation, à l’édification de l’Etat de droit, à la sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés individuelles et collectives, et au maintien de la sécurité et de la stabilité pour tous. En ce qui concerne les institutions constitutionnelles, notre tâche consistera à donner des orientations, de précieux conseils et à jouer le rôle de l’arbitre qui est au-dessus de toute appartenance », avait souligné le Souverain.
La même feuille de route était réitérée également dans la lettre historique adressée au premier ministre Abderrahmane Youssoufi le jeudi 16 décembre 1999, les discours de 2005 ou de 2010.
Le discours du 9 mars sera suivi d’un autre historique le 17 juin 2011 pour annoncer les fondements majeurs de la nouvelle constitution. Il s’agit notamment de la séparation et l’équilibre des pouvoirs, un parlement issu d’élections au sein duquel la prééminence revient à la chambre des représentants, la reconnaissance constitutionnelle de la langue Amazigh, l’érigation de la justice en pouvoir indépendant, le renforcement du statut du chef du gouvernement, la constitutionnalisation de l’institution du conseil de gouvernement et la constitutionnalisation des instances en charge de la bonne gouvernance, des droits de l’Homme et de la protection des libertés.
Dans le sillage de ces discours exceptionnels, il faut souligner aussi le discours du mercredi 18 mai 2005, marquant le lancement de l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH). Dans ce discours inattendu, SM le Roi Mohammed VI a tracé la feuille de route de l’initiative Nationale pour le Développement Humain, qui vise la lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale. Et ce à travers la réalisation de projets d’appui aux infrastructures de base, projets de formation et de renforcement de capacités, d’animation sociale, culturelle et sportive ainsi que la promotion d’activités génératrices de revenus et d’emplois.
Distingué par son style, savant et moderne, SM le Roi cadre généralement ses discours pour répondre au même format avec une durée maximale de 15 à 20 minutes. Il pense, analyse et livre ses prédictions sur l’avenir.
Il faut noter aussi que, mis à part les discours à la Nation, SM le Roi prend la parole lors de sommets internationaux. On se souvient toujours du discours de 2014 à Abidjan avec cette célèbre phrase : «L’Afrique doit faire confiance à l’Afrique». Ou encore le sommet Maroc-Pays du Golfe organisé à Riyad en 2016.
«Après ce qui fut présenté comme un printemps arabe qui a occasionné tant de ravages, de désolations et de drames humains, nous voilà vivant aujourd’hui un automne calamiteux, avec le dessein de faire main basse sur les ressources des autres pays arabes et de briser les expériences réussies d’autres États, comme le Maroc, en portant atteinte à son modèle national original qui le distingue», avait noté SM le Roi Mohammed VI.
Il y a aussi le discours prononcé en 2017 à Addis-Abeba lors du 28e sommet de l’Union africaine actant le retour triomphal du Maroc au sein de l’organisation panafricaine.
«Il est beau, le jour où l’on rentre chez soi, après une trop longue absence ! Il est beau, le jour où l’on porte son cœur vers le foyer aimé ! L’Afrique est mon continent, et ma maison. Je rentre enfin chez moi, et vous retrouve avec bonheur. Vous m’avez tous manqué», avait souligné SM le Roi.
Autant dire que depuis l’avènement du règne de SM le Roi Mohammed VI, ses discours sont clairs, concis, simples et précis.
Si les tous premiers discours étaient assez longs parce qu’il fallait présenter les grandes priorités et mettre en place une feuille de route pour le développement du pays, depuis l’année 2011, les discours royaux sont relativement courts.
Allant droit au but et interpellant citoyens, élus, partis politiques, société civile, responsables de la chose publique et acteurs économiques, les discours royaux sont un exercice qui ponctue la vie politique au Maroc.
Attendus par tout le monde, redoutés par certains, suivis et repris par les médias, les discours du Roi à la Nation font l’objet de commentaires et d’analyses d’experts marocains et étrangers.
[1] Selon le communiqué du Porte-parole du Palais Royal, rendu public le vendredi 30 juin 2023, Il a été décidé la poursuite de la célébration de l’anniversaire de la mémorable Révolution du 20 août, sans qu’un Discours Royal ne soit adressé à la Nation à cette occasion. Le communique exilique qu’«Etant donné que l’anniversaire de la glorieuse Révolution du Roi et du Peuple intervient quelques jours après le Discours du Trône et avant le Discours Royal à l’ouverture du Parlement, et à la lumière de l’expérience à ce propos, il a été décidé la poursuite de la célébration de l’anniversaire de la mémorable Révolution du 20 août, sans qu’un Discours Royal ne soit adressé à la Nation à cette occasion».
[2] La seule fois où le discours royal n’a pas été diffusé à l’heure annoncée par le ministère de la Maison royale, du Protocole et de la Chancellerie, était à l’occasion du 45e anniversaire de la Marche verte en 2020, car un membre de l’équipe technique en charge de l’enregistrement du discours royal était contaminé par le covid-19. Le discours n’a été prononcé que 24 heures après.
[3] «Que la paix, la miséricorde et les bénédictions de Dieu soient sur vous»
[4] Dans la nuit du 16 mai 2003, quatorze terroristes ont lancé des attaques suicides sur des hôtels, restaurants ou centres communautaires de Casablanca. Bilan : 45 morts, dont 12 kamikazes.
[5] Discours adressé, mercredi 09 mars 2011, à la Nation par SM le Roi Mohammed VI.
[6] Le « Printemps arabe » est un ensemble de contestations populaires, d’ampleur et d’intensité très variable, qui se sont produits dans de nombreux pays du monde arabe à partir de décembre 2010
Article extrait de l’Ouvrage « Communication Royale: La rhétorique de l’Agir »,édité par le Docteur Belkassem Amenzou à l’occasion du 25ème anniversaire de la Fête du Trône, à la Maison d’éditions «Rayan Printing», (Edition et distribution) à Casablanca
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