Casablanca célèbre l’univers narratif d’Anis Al Rafei et la parution de son nouvel ouvrage « Maristan des Masques »

Dans le cadre de sa valorisation des expériences créatives marocaines remarquables, l’Association Forum Shéhérazade pour l’éducation et la culture, en partenariat avec l’École Supérieure des Beaux-Arts de Casablanca, organise une rencontre littéraire exceptionnelle en hommage à l’écrivain marocain Anis AL Rafei , à l’occasion de la parution de son nouveau recueil de nouvelles intitulé « Maristan des Masques ».
L’événement aura lieu le vendredi 13 juin 2025 à 15h00, dans l’enceinte de l’École Supérieure des Beaux-Arts de Casablanca. Il constitue une halte culturelle de premier plan pour explorer l’œuvre de cet auteur reconnu comme l’une des figures les plus novatrices de la nouvelle marocaine contemporaine.
La rencontre sera ponctuée d’une présentation de son œuvre proposée par Tayeb Alami Adlouni ( président du Forum organisateur) , et coordonnée par Abdellah Cheikh. Y prendront également part plusieurs écrivains et critiques marocains de renom, dont Abdellah Belabbes, Mohamed Alout, Imane Razi , Jamal Bendahman, Mustapha Elhasnaoui , Oumar El Asri et Saïd Mountassib.
Ce rendez-vous constitue une opportunité précieuse pour les lecteurs et les passionnés de littérature marocaine contemporaine de découvrir de plus près l’univers singulier d’Anis Rrafi, une œuvre marquée par une recherche esthétique audacieuse et une démarche expérimentale renouvelant les formes et les langages de la narration.
Anis Al Rafei compte parmi les voix les plus singulières et expérimentales du récit marocain contemporain. Il a su, au fil de ses ouvrages, construire un véritable laboratoire narratif, fondé sur une esthétique de la rupture et une ouverture assumée aux langages artistiques connexes — cinéma, arts plastiques, photographie, théâtre. Depuis ses premiers recueils, tels que « Scandales sur des lits mouillés » , en passant par « La Boîte de Pandore, » ou » L’Infirmerie des poupées », jusqu’à ses dernières parutions, dont « Maristan des masques », il a su tracer un itinéraire d’écriture caractérisé par l’expérimentation continue et la volonté de subvertir les formes héritées.
Chez lui, la nouvelle n’est pas un genre mineur ou circonscrit, mais un champ d’expérimentation stylistique et structurelle. Le récit court s’émancipe ainsi des codes classiques (introduction, nœud, dénouement), pour se réinventer dans la fragmentation, l’éclatement, voire parfois dans l’écriture « contre-genre ». Ce positionnement témoigne d’une conception de l’écriture comme acte composite, lexicologique et expérimental, qui ne vise pas à représenter le réel mais à le reconfigurer à travers une langue dense, stratifiée, chargée de résonances symboliques.
Les récits d’Al Rafei se distinguent en particulier par la forte présence du visuel et des procédés filmiques — montage, cadrage, superposition, découpage — qui confèrent à ses textes une dimension quasi cinématographique. Le lecteur n’est pas seulement dans l’ordre du lire, mais aussi du voir : le texte devient écran, la scène se déploie en plans, images, signes à décoder. Cette interpénétration entre narratif et visuel relève de problématiques postmodernes où les frontières génériques s’estompent, et où les catégories elles-mêmes deviennent objets de mise à l’épreuve.
Autre caractéristique essentielle de son œuvre : la prédominance du métarécit, c’est-à-dire l’écriture du récit sur le récit lui-même. Cette stratégie introduit une dimension réflexive et spéculaire : ce n’est pas seulement ce qui est raconté qui importe, mais aussi comment, et pourquoi cela est raconté. Ce processus renvoie à une conscience aiguë des mécanismes du discours, du rôle du lecteur, et des notions clés telles que l’esthétique de la réception ou l’écriture de la lecture, conférant à ses textes une portée critique implicite.
Ses récits explorent également des thématiques denses et complexes — solitude, folie, enfance, corps, identité — qui sont abordées à travers une langue poétique, allusive, volontiers métaphorique, et souvent abstraite. Lire Al Rafei , c’est accepter une plongée dans des récits cryptés, dans des univers chargés de tensions symboliques et d’ambiguïtés, où chaque texte s’offre comme un laboratoire sémantique et esthétique, misant sur la surprise et la déstabilisation du lecteur.
L’écriture d’Al Rafei échappe ainsi à la logique de la consommation rapide ou du divertissement immédiat. Elle se revendique élitiste — dans le sens noble du terme — en ce qu’elle engage le lecteur dans un effort d’interprétation et de relecture, le poussant à reconsidérer ce qu’il pensait connaître du récit, du langage, ou de la fiction. Le projet narratif d’Al Rafei constitue en cela une aventure unique dans le paysage littéraire marocain et arabe : une écriture de la différence et de l’intranquillité esthétique, qui envisage l’acte d’écrire comme un travail de fouille, et non comme reproduction ou redites. C’est une écriture en mouvement, en rupture, qui préfère le masque au visage, l’échappée au repos, et qui choisit le pacte avec l’incertitude comme horizon esthétique et poétique.
Traduit et adapté par: Dr. Abdellah Cheikh (critique d’art)
Le monde de la Communication
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