Le savoir en péril: Plaidoyer pour l’honneur de l’université marocaine

Par Houda Elfchtali

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Il fut un temps, pas si lointain, où l’université marocaine incarnait une citadelle du savoir, un foyer ardent de réflexion, de militantisme et de progrès. Elle abritait des voix courageuses, des rêves éveillés, des jeunes gens venus de toutes les régions du Royaume pour bâtir leur avenir sur les solides fondations de la connaissance. Les amphithéâtres résonnaient des débats philosophiques, les bibliothèques bruissaient du froissement des pages tournées par une jeunesse assoiffée de lumière. Mais aujourd’hui, un vent mauvais souffle sur ce sanctuaire.

À bas bruit, dans certains recoins assombris par la corruption et l’impunité, l’université se dégrade. Ce ne sont pas les murs fissurés qui inquiètent le plus, ni les amphithéâtres surpeuplés, ni même les bibliothèques délaissées. Ce qui effraie véritablement, c’est la corrosion morale, l’érosion du sens. Des enseignants, investis pourtant d’une noble mission, ont fait le choix de trahir leur serment intellectuel. Dans un silence complice, des diplômes de master se vendent, non plus comme la reconnaissance d’un labeur acharné, mais comme de vulgaires sésames d’accès aux promotions administratives.

Le scandale ne s’arrête pas là. Ces réseaux de la honte ne fonctionnent pas en solitaire. Ils s’entourent d’équipes d’étudiants et même de collègues enseignants, qui jouent les entremetteurs, les facilitateurs, les blanchisseurs d’illégitimité. Ainsi s’institutionnalise un système parallèle où le mérite est dévalué, où le savoir se négocie, où la triche se normalise.

Ce crime contre l’intelligence est plus qu’un délit académique. C’est une offense aux valeurs les plus essentielles de notre société. C’est une trahison faite aux générations futures, à ces jeunes qui rêvent encore d’une ascension sociale par l’effort, à ces étudiants anonymes qui veillent tard sur leurs livres tandis que d’autres achètent, en toute tranquillité, leur parchemin d’honneur.

Mais il est vital, aujourd’hui plus que jamais, de résister à la tentation du fatalisme. Car généraliser, c’est trahir aussi. L’université marocaine, bien que blessée, reste portée par une majorité d’enseignants intègres, passionnés, exigeants, qui se battent quotidiennement contre la médiocrité, l’indifférence et la corruption. Ce sont eux les véritables héros silencieux de notre temps : ceux qui continuent d’enseigner avec foi, qui éveillent l’esprit critique, qui transmettent des valeurs avant des connaissances.

Il nous faut les défendre, les soutenir, leur rendre hommage. Il nous faut surtout repenser, réformer, dénoncer. Car préserver l’université, c’est défendre le cœur même de notre avenir collectif. Refuser de céder au chantage de la facilité, c’est honorer la mémoire de ceux qui ont vu en l’université un levier de justice sociale et un tremplin pour la dignité humaine.

Le savoir ne se vend pas. Il s’acquiert. Il se mérite. Et il doit, toujours, être protégé.